On the road to Taliouine organic saffron
12 jours ça passe toujours vite surtout au Maroc où le temps s’arrête, où l’on prend son temps.
Prendre son temps donc pour aller de l’aéroport de Marrakech Menara à Taliouine en passant par la route du col du Test dans le Haut Atlas (Tizi n’Test // Tizi signifiant Col en arabe). Cette route bientôt centenaire (1924) a subi de gros dégâts ces dernières semaines car la pluie est tombée en abondance au Maroc et qui dit gros dégâts dit peu de réparations voire … pas de réparations du tout. Notre véhicule, heureusement haut sur pattes, a donc dû s’accommoder des failles, pierres et autres trous béants de la chaussée « stabilisée »; jeunes conducteurs ou mal à l’aise au volant s’abstenirâ¦
Au début, depuis Marrakech la R203 vers Asni est un véritable boulevard, la route a été refaite il y a quelques années et au Maroc, lorsqu’on refait des routes on n’hésite pas à y mettre les moyens; c’est donc l’équivalent d’une quatre voies qui s’offre à nous, ruban d’asphalte noir qui contraste avec le rouge de la terre et le blanc des sommets enneigés. A partir d’Asni on retrouve les routes qui font le charme du Maroc, passages d’Oued, sable, crevasses et autres affaissements de terrain. Jusqu’à Tinmel et sa magnifique mosquée du 11e siècle restaurée il y a une vingtaine d’année, la route suit son cours en passant par Ouirgane, les paysages sont magiques et offrent parfois des panoramas assez surprenants sur l’Atlas et ses sommets culminants à plus de 3000 et 4000 mètres d’altitude.
Mosquée de Tinmel sur la route du Test
view of the Atlas massif
Comme vous avez pu le comprendre, la route est donc assez mauvaise durant 30 kilomètres de part et d’autre du sommet, qui culmine à 2093m d’altitude et fait ainsi de ce passage la deuxième route la plus haute du Maroc, après celle du Tichka.
Les paysages à couper le souffle font vite oublier le mauvais état de la route et même si la concentration est de mise, votre Åil ne peut s’empêcher d’être attiré dans tous les sens. Les pluies abondantes ont fait de ce début novembre un semblant de début de printemps, je n’avais jamais vu le Maroc aussi vert ! Vert et rouge (couleur de la terre) donc, comme les couleurs du drapeau national, et le bleu du ciel, si intense…
L’arrivée en haut du col du Test est toujours une grande émotion : les quelques heures de montée depuis Marrakech sont récompensées par une vue imprenable sur la vallée et la plaine du Souss 2000m plus bas ! Les premiers kilomètres de descente sont plutôt « tendus » les fortes pluies étant passées par là , l’état de la route – déjà bien abimée – n’a fait qu’empirer et les voitures passent entre la roche de la montagne et⦠le vide⦠A quelques reprises il faut retenir son souffle et rester prudent, parce qu’au ravin beaucoup trop proche s’joutent d’éventuelles chutes de pierres.
Il faut descendre 5 à 6 kilomètres sous le col pour retrouver une route plus agréable mais toutefois dangereuse car les éboulements sont nombreux. Les 2000 mètres de descente sont avalés en une bonne demi-heure, Tajgalt est dépassée et nous nous retrouvons à nouveau sur une route nouvellement asphaltée, que dis-je une route, une autoroute ! Les 3 derniers kilomètres de la R203 sont vraiment surprenants surtout lorsqu’on sait que tout est fait pour que les automobiles et camions contournent l’Atlas par l’Autoroute Marrakech – Agadir et ne passent plus par le col du Test ! Bref, nous voici au carrefour menant à Taroudant par la droite et à Ouarzazate par la gauche (via Taliouine et Taznaght).
Direction Taliouine par la très belle N10 également appelée Avenue Mohamed V. Si la moyenne de Marrakech au Tizi n’Test n’a pas dépassé les 30 à 40 km/h, autant la N10 permet – avec prudence – de rouler à plus de 80 km/h. Attention cependant aux contrôles de la Gendarmerie Royale et aux radars fréquents au Maroc (si si).
Arrivée sur Taliouine en fin de journée, en pleine fête du Safran (qui cette année a été avancée de 15 jours pour mon plus grand bonheur !). Nous sortons de la ville par l’est et déposons nos bagages à l’Auberge du Safran. L’hôtel est complet car les producteurs locaux et les acheteurs viennent du monde entier pour la fête du safran (Italiens, Allemands, Sud-Africains, Chinois, Américains, Espagnols, Saoudiens et j’en passe⦠le monde est au pied du Maroc, de son or rouge, à Taliouine, ville de 12 000 âmes à 1100m d’altitude, dotée d’un des plus beaux plissements géologiques du Maroc.
Une fois installé, je file voir Younes sur le salon et après quelques salutations nous convenons d’un rendez-vous tôt le lendemain matin pour aller voir les safranières un peu plus haut vers 1400m d’altitude.
Un tajine et quelques (excellentes) frites plus tard à l’auberge nous nous réveillons vers 5h pour prendre un copieux petit-déjeuner puis partir en voiture vers les hauteurs. Le jour n’est pas encore levé, la température est fraîche mais pas froide, nous nous élevons petit à petit et traversons des plantations d’oliviers et d’arganiers, de petites safranières, des jardins potagers; le soleil se lève et la montagne se dévoile dans toute sa splendeur, le paysage est magnifique, le Maroc est magnifique.
Nous arrivons sur les safranières principales, le soleil passe au-dessus des montagnes et éclaire les fleurs de Crocus sativus, des centaines, des milliers de fleurs de crocus, c’est incroyable. Au fur et à mesure que le soleil monte dans le ciel, les fleurs s’ouvrent et nous laissent découvrir leurs pistils rouges intenses. En quelques dizaines de minutes c’est un tapis de fleurs violettes, soulignées de jaunes et rouge qui s’offre à nous, une odeur délicate se dégage des fleurs et les abeilles vrombissent au ras du sol, c’est magique.
La récolte se fait de l’aube à onze heures / midi et ce, durant trois bonnes semaines, les femmes se relayent d’heure en heure, de jour en jour et il n’est pas rare que la récolte dure toute la journée, même si la chaleur peut être assez élevée. La révolution culturelle et l’exode rural que nous avons connus en une centaine d’années en Europe s’effectuent en à peine une génération ici au Maroc : les jeunes quittent les campagnes pour les villes plus européanisées et permettant le suivi des études supérieures. La main d’Åuvre devient donc une réelle problématique pour la récolte (comme pour les olives, les arganes, les agrumes ou le safran).
Nous concluons cette matinée par un thé non pas à la menthe mais bien évidemment au safran que je vous recommande vivement pour son extrême complexité en bouche.
Si vous souhaitez vous rendre au Maroc et plus particulièrement à Taliouine dans l’Anti-Atlas n’hésitez pas à nous contacter pour avoir plus d’informations sur cette région magnifique.